La soupe canh


Deux, trois mots sur le canh, terme vietnamien mais aussi laotien pour désigner une soupe légère d'accompagnement dans un repas. Ce bouillon peut servir de base de cuisson à de la viande, du poisson, et surtout à des légumes... On considère que dans un repas, il doit toujours avoir avoir un canh sur la table. 

A l'origine, loin d'une cuisine moderne, chaque maison avait un foyer où cuisait la marmite de riz et le fait de cuire les aliments dans l'eau avec des aromates permettait une économie de combustible et de temps non négligeable...

Les légumes et autres plantes tels que le liseron d'eau, blette etc... sont souvent bouillis de cette manière, ce qui offre en fait à la tablée deux plats, le bouillon et les légumes servis à part.

Le canh, outre ses propriétés nutritives, permet aussi de se désaltérer sans boire de l'eau qui n'est pas toujours potable.  Signalons que récemment, des études très alarmistes faisaient état d'une pollution  de l'eau des puits contaminée par l'arsenic et le manganèse pour une bonne proportion, dans la région du delta du Fleuve rouge .Aujourd'hui avec l'élévation du niveau de vie, on se soucie un peu moins de ce détail sanitaire car l'eau purifiée mais aussi... la bière et les boissons sucrées font souvent leur apparition à table...

Le repas, dans l'idéal, tel qu'on pourrait le concevoir comportera un ou deux plats de viande, poisson ou œufs... des légumes, le canh et l'immuable riz blanc : des principes de base au Viêt Nam mais également dans les pays voisins quand toutes ces nourritures sont servies à la tablée en même temps.

Pour aller plus loin, n'hésitez pas à consulter l'article de Nelly Krowolski du CNRS sur les habitudes alimentaires au Vietnam... Générallement, le canh est un bouillon clair, assez léger comme la recette qui suit à base de chou et de travers de porc mais le canh le plus renommé est pourtant le canh ca chua, une soupe de poisson avec des morceaux d'ananas et autres légumes... un repas complet à lui tout seul...!


Ingrédients pour 4 personnes :

1,25 litre d'eau
2 choux bok choy
200 g de travers de porc
1/2 cuillère à café rase de sel
1/2 cuillère à café de sucre
1 cuillère à soupe de nuoc mam
1 cuillère à soupe de jus de citron.


Préparation :

Etape 1 préparer les bok choy : couper la base, nettoyer à grande eau et placer dans une passoire. Vous couperez les grandes feuilles en deux. Dégraisser et couper les travers, vous trancherez les os à l'aide d'un couperet s'ils sont trop longs. Réserver l'ensemble.

Etape 2 mettre l'eau dans une casserole avec les travers à feu vif : faire bouillir et écumer puis couvrir pour 45 mn de cuisson à feu doux, en ajoutant le sel et le sucre. Vous continuerez à écumer régulièrement. Verser ensuite dans la casserole le bok choy et le nuoc mam et poursuivre la cuisson pendant 4 à 5 mn environ.

Etape 3 le chou doit être cuit : recueillir avec des baguettes, les grandes feuilles que vous mettrez à part dans une assiette en laissant dans le bouillon quelques brins de bok choy avec les travers. Ajouter le jus de citron dans le bouillon et servir bien chaud.

Un bouillon savoureux, léger et sans glutamate de sodium ! Malheureusement, dans bien des cas, les bouillons au Viêt Nam sont très souvent relevés par cet exhausteur de goût qui ne s'impose pas...

Il y a toujours un grand débat sur son opportunité ou non et sur les conséquences d'ingérer le glutamate pour certains ( bouffée de chaleur, raideur sur la nuque... ).

Le journal Gavroche y a consacré un article très intéressant où l'on apprend que la célèbre firme Ajinomoto, bien connu des Vietnamiens, avait été fondée par le professeur Ikeda... l'inventeur du glutamate... banalisé dans nombre de préparations alimentaires par la dénomination chiffrée... E 621...

Nuoc mam

 ( photo : Heinrich Damm, CC A 2.0 Generic )
On aurait pu continuer par nam pla, nam pa, ngan pya ye, tuk trey ou yu lu... Soit les six noms différents attribués au même condiment : la sauce de poisson dans les pays qui voient couler le fleuve Mékong.

Si le nuoc mam est assez facile à attribuer au Vietnam, on vous laisse le soin de retrouver l'origine de chaque nom pour le Cambodge, la Chine, le Laos, le Myanmar et la Thaîlande...!

Retour aux origines de cette sauce de poisson existant depuis les temps antiques en Grèce et à Rome sous le nom de garum...car aujourd'hui, cette saumure est fabriquée principalement en Asie du Sud-Est.

Le nuoc mam est surtout connu ici pour servir de sauce d'accompagnement aux fameux nems et autres rouleaux de printemps, dilué avec de l'eau, du sucre et du vinaigre ou du citron.

En accompagnement, il faut diluer la sauce de la manière suivante :  sauce de poisson ( 1 volume ), vinaigre de riz ( 1 volume ), sucre ( 1 volume ) + eau chaude ( 3 volumes ). On ajoutera selon le goût, de l'ail, des carottes râpées ainsi que des rondelles de piment. Cette sauce sera plus ou moins diluée, selon les plats à accompagner.

On peut remplacer au sud du pays pour certains plats ce type de sauce par du jus de citron vert, mélangé à du sel et du poivre. Et les végétariens ont aussi leur propre substitut... Pour le réaliser, de l'eau, du sel et de la sauce de soja pour la couleur !

On échange aisément le sel là-bas par cette sauce qui, outre son goût, apporte des protéines à une alimentation quelquefois frugale.

  ( photo : Kwantonge, CC AS 3.0 Unported )
Définitivement la base aromatique dans la zone géographique dite de l'Indochine car tous ces pays utilisent aussi  très largement la sauce de poisson dans les préparations sautées au wok, mijotées ou en sauce d'accompagnement.

 ( photo : Takeaway, CC AS 3.0 Unported )
La sauce que vous retrouvez en bouteille ou flacon dans les boutiques spécialisées ou en supermarché a pour origine principalement deux pays : le Vietnam et surtout la Thaîlande.

( photo : Stefan, CC A 2.0 Generic )
Une petite production africaine au Sénégal est également à signaler grâce à la présence de quelques Vietnamiens, vestiges d'un temps passé... D'ailleurs, beaucoup d'experts du même pays interviennent fréquemment sur la côte occidentale africaine... pour la riziculture !


Pour faire court, signalons que le nuoc mam est le résultat de la macération de poissons ou seiches marinés dans du sel puis comprimés dans de grands tonneaux. On recueillera le jus, au bout de plusieurs mois, considéré comme le meilleur car les producteurs ajoutent de l'eau ensuite... ainsi que du caramel colorant... afin d'avoir la même couleur !

Il semblerait que les meilleures qualités produites proviennent de l'ile de Phu Quôc, située dans le Golfe de Thaîlande, près du Cambodge grâce au savoir-faire local et à la matière première, le ca com, une espèce d'anchois, l'engraulis, même si la sauce faite à Phan Thiet , sur la côte est réputée. Les pêcheurs arrivent même à boire un petit verre de ce nectar, tel un grand cru, avant de partir en mer...

Cuisine, cuisine ...

Bordé par la mer et des frontières communes avec le Cambodge, la Chine et le Laos, le Viêt Nam a développé au fur et à mesure de son histoire une culture et une cuisine, à la fois très proches de ses voisins mais en même temps uniques, de par ses terroirs et ses épisodes passés qui ont contribué à  donner à ce pays une identité culinaire remarquable.

Ces spécificités, ses saveurs... vous les avez certainement goûtées en allant au restaurant, à la maison dans la tablée familiale, ou en visitant un pays, désormais en plein développement touristique, après des décennies de conflits.

Ce blog se veut l'écho d'une cuisine façonnée par les herbes aromatiques, le nuoc mam, la fameuse sauce de poisson macérée pendant de nombreux mois... tel un nectar millésimé pour rappeler la richesse des produits de la mer, ainsi que par la céréale souveraine de l'Asie, le riz.

Le Viêt Nam, en dépit de sa réunification, reste décomposé culinairement en trois régions : le nord, marqué par le delta nourricier du Fleuve rouge et sa capitale Hà Nôi, le centre influencé par la ville impériale de Hué et enfin le sud bercé par le climat tropical luxuriant du delta du mékong et de Sài Gon, la métropole économique.

Pho, bun bo Hué, banh mi thit quay... l'énumération des recettes risque d'être longue pour évoquer les richesses et les grands classiques de cette gastronomie au goût épicé, parfumé, subtil... en un mot magnifique !

Et puis de Cali au 13e à Paris, en passant par l'Australie ou le Canada, entre autres, cette cuisine continue de séduire, au-delà des frontières, d'innover et d'avancer. Essayons de rejoindre le mouvement...